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19 septembre 2003

L'archéologie française se meurt

Publié dans ForumInfo n°14, septembre 2003

M. Jacques Chirac s'est ému, à juste titre des atteintes portées au patrimoine archéologique irakien; sans doute a-t-il oublié que son propre pays possède musées et sites archéologiques à protéger !

En France, l'Institut National des Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) contribue à la découverte de 80 % des sites archéologiques sur notre territoire.

Une loi sur l'archéologie, attendue depuis 20 ans par les archéologues, a fourni en 2001, un cadre législatif aux activités de recherche archéologiques. L'ensemble des opérations liées à un projet d'aménagement du territoire est ainsi soumis à autorisation (permis de construire, démolir, etc…) du Service Régional de l'Archéologie (SRA), lié au ministère de la culture. Sur avis du SRA, le préfet de région prescrit ou non la réalisation d'une opération archéologique confiée à l'INRAP et financée par une redevance à la charge de l'aménageur.

Les aménageurs (promoteurs privés, SNCF, DDE, autoroutiers,…) doivent donc financer les opérations archéologiques au "coup par coup" et non pas de façon mutualisée entre tous les aménageurs, ce qui crée des inégalité entre eux.

Afin de remédier à ces inégalités et assainir la situation (pratiques de clientélisme au sein des régions notamment), les archéologues ont réclamé la révision de la loi 2001.

Raccarin, casse-fouilles !

C'est alors qu'une poignée d'aménageurs, par ailleurs puissants, et quelques élus ultra-libéraux ont mis le feu aux poudres fin 2002 en imposant au gouvernement Raffarin l'idée d'une privatisation et d'un démantèlement national.

Début 2003, le budget de l'INRAP est amputé de 25 %, condamnant de facto 600 agents sous CDD au chômage et entraînant l'interruption de nombreux travaux de recherche.

Parallèlement, le Ministère de la Culture donne l'ordre au SRA de réduire de 75 % les interventions de diagnostic et de fouilles. En clair, d'ici quelques mois, de nombreux sites potentiels seront détruits à jamais. Comme si cela ne suffisait pas, les archéologues de l'INRAP reçoivent officieusement la consigne de ne rien trouver. Par ailleurs, si l'aménageur connaît le numéro de téléphone du préfet, tout est négociable !

Toujours plus : en avril 2003, le gouvernement émet un projet de loi comportant un découpage de la chaîne opératoire scientifique, la mise en concurrence d'opérateurs publics et privés et une réduction drastique des effectifs (1200 agents INRAP aujourd'hui). Les professionnels de l'archéologie jugent ce projet irrecevable car contraire aux principes de la recherche et aux intérêts de l'aménagement du territoire.

La seule alternative préconisée par les scientifiques et nombre d'aménageurs consiste à mutualiser le financement de l'archéologie par les aménageurs. A titre indicatif, le chiffre d'affaires des entreprises BTP pour l'année 2000 avoisine les 150 milliards d'euros. Cette même année, le budget de l'archéologie préventive représente 0,055% de cette somme. Une goutte d'eau.

Cette crise sans précédent ne permet plus aux archéologues de remplir leur mission.

Alors, ils tentent d'attirer l'attention par le biais de diverses actions : lettre au président, occupation de sites archéologiques majeurs, de Monuments Historiques, du Ministère de la Culture; les archéologues s'enchaînent ponctuellement depuis fin mai devant le Conseil d'État, l'Assemblée Nationale ou le Sénat.

Ou encore, pêle-mêle : conférences de presse, blocage du chantier de l'itinéraire très grand gabarit de l'A380 près de Toulouse, participations à tous les défilés nationaux et locaux…

Ces actions, somme toute modestes, irritent M. Aillagon, Ministre de la Culture, qui a d'ailleurs demandé aux journalistes "culture" de ne plus se faire l'écho des revendications de la communauté archéologique.

En définitive, M. Raffarin se préoccupe bien peu de "la France du sous-sol" et M. Chirac lui donne sa bénédiction pour engager le sacrifice du patrimoine archéologique national. Pourtant, la prise en compte de la Mémoire de nos sociétés est une décision éminemment politique.

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