Des Partenariats Public-Privés pour financer l'OIN : un piège pour les collectivités locales ?
Les modalités de financement du
plan de Christian Blanc sont pour l’instant
inexistantes ou très
obscures.
C’est pourtant un point évidemment crucial pour
les finances locales, car le financement semble ne pas prendre source
essentiellement à l’échelle de l’État mais
bien à l’échelle locale. L’OIN est une machinerie
qui contourne les pouvoirs publics locaux quant à la prise de
décision mais qui peut leur imposer un système
d’endettement et de dépendance à des opérateurs
privés…
C’est cette question du montage
financier que nous souhaitons soulever à travers une modalité
qui pourrait être choisie par Blanc et qui n’est pas sans
difficulté pour les collectivités territoriales, ni
sans conséquence pour les citoyens contribuables : les PPP,
pour Partenariat Public-Privé.
Les Partenariats publics-privés
sont de nouvelles formes contractuelles qui ont été
initiées depuis plus de 15 ans, principalement dans les pays
en développement et les PECO (Pays d'Europe Centrale et
Orientale)… Dans ces pays, la faible capacité
d’investissement public a servi à légitimer le
recours à des tiers privés, qui vont engager en fin de
compte les pouvoirs publics sur une même durée qu’un
endettement bancaire classique. A l’évidence ces contrats
sont assez prometteurs pour les publics utilities (comprenez les
opérateurs de service public lorsqu’ils produisent ces mêmes
services sans cahier des charges de service public…).
Ces formes contractuelles se
développent rapidement depuis quelques années en Europe
de l’Ouest.
Qu’est-ce qui caractérise un
PPP ? La question est difficile car il existe de nombreuses modalités
techniques. Néanmoins, voici les quelques caractéristiques
essentielles (pour plus d’info, voir wikipédia) :
- L’État est organisateur, régulateur, contrôleur… mais pas opérateur direct ;
- Le PPP s’intègre dans un « mode projet » qui met en avant des méthodes de management privé ;
- Une entreprise prend en charge
l’investissement et assure la gestion de l’équipement. Le
modèle le plus classique est dit PFI (Private Finance
Initiative). Il a été introduit en France en 2004 pour
assurer la sécurité (juridique, mais aussi en termes de
revenu) du partenaire privé (oui il faut sécuriser son
revenu, sinon il ne finance pas). Le partenaire privé est
appelé pour réaliser et gérer école,
université, mais aussi hôpital ou prison...
En fait trois possibilités :CPG - Construire posséder gérer
CGT - Construire gérer transférer
CTG - Construire transférer gérer La rémunération du partenaire n’est pas liée aux ressources provenant de l’activité quand elles existent (i.e. donc aux usages), mais prend la forme de paiements réguliers par le partenaire public (un loyer en quelque sorte) : paiements fixe ou variable selon les cas. C’est donc clairement le contribuable qui paie… Cependant une rémunération du gestionnaire directement par les usagers pourrait constituer une solution qui ne déplairait pas au tandem Blanc Pécresse, par exemple dans des domaines comme l'éducation (accroissement des droits universitaires…), les résidences universitaires…
De très nombreuses difficultés peuvent être soulignées. On a donc compris : face à des finances insuffisantes, on fait appel à un prestataire (Bouygues, Véolia, Eiffage…) qui assume l’investissement, le gère et, selon le cas, cède la propriété à terme (parfois selon le même principe que l’on vend actuellement les ruines de HLM aux pauvres qui devront gérer les rénovations). Cela signifie que, plutôt que de s’endetter auprès d’une banque ou auprès des marchés financiers, l’État ou les collectivités territoriales s’endettent (oui tout de même, c’est un endettement) auprès de l’industriel. Et les liens sont nécessairement très longs. Il y a donc un gage sur l’avenir, et l’acteur public délègue, donc perd la compétence… C’est à dire que face à l’expertise de l’opérateur, l’acteur public est sans pouvoir (l’info sur les structures de coût est interne à l’opérateur qui divulgue les coûts qu’il souhaite…). La fonction de contrôle est de fait impossible.
Et la nature des contrats, très longs, supprime toute concurrence. Notons que la durée est légitimée par l’amortissement, mais justifiée concrètement par l’intérêt qu’a l’opérateur à maintenir un contrat de service sur la longue durée. On appelle cela une technique de rétention de la clientèle (le client ici sera le cluster… ou les collectivités territoriales). Et comme ces dossiers sont hyper complexes, la gouvernance n’est pas des plus simples… et en tout cas est très éloignée de la population.
L’étude des PPP dans les PECO a montré que les contrats étaient incomplets, ce qui induit une lourdeur de procédures et des conflits très importants, notamment sur l’évaluation des coûts. Bref nous sommes en situation très asymétrique, une soumission des pouvoirs publics à une autorité privée. Les PPP ont même connu un recul dans les PECO, car les autorités locales ont été conduites à re-réglementer…
Enfin, dernier point, en période de crise financière, la situation de nombreuses collectivités territoriales, face à des prêts à taux variables qui induisent un accroissement soudain des niveaux de remboursement, devrait nous inciter à prendre des précautions face à des contrats opaques, réalisés avec des « partenaires » hyper puissants et hyper « compétents » en matière de contractualisation… Et notons que le fait de passer par l’industriel, plutôt que par le banquier, ajoute un intermédiaire à rémunérer. Il est assez clair que les incertitudes financières feront bien partie des clauses des contrats de PPP que nous pourrions voir arriver.