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24 novembre 2010

Paris Saclay : créer... ou détruire de la valeur ?

Retour à chaud sur la réunion du débat public sur le réseau de transport Grand Paris qui s'est tenue hier soir à Massy.

Au détour de son discours, le représentant de la société du Grand Paris, Didier Bense, pour argumenter en faveur de la création du tronçon Massy - Saclay - Versailles, a dit que le plateau de Saclay était un endroit idéal pour développer de l'activité économique. Sous-entendu, il n'y en a très peu actuellement, à savoir les quelques centres de recherche, écoles et entreprises qui y sont installés. Sous-entendu, le reste c'est du vide...

Cent fois sur le métier tu remettras ton ouvrage..., donc remettons : l'espace agricole, ce n'est pas du vide, n'en déplaise aux aménageurs. L'agriculture, ce n'est pas que du décor pour bord d'autoroute, c'est de l'activité, notamment économique. Nous sommes donc intervenus pour rappeler à monsieur Bense ce petit détail.

Seulement voilà : une bonne partie du financement du réseau du grand Paris proviendrait, si nous avons bien compris, d'une taxe sur la plus-value engendrée sur les terrains qui se trouvent à proximité d'une gare. On comprend bien alors (et cela a été la teneur de la réponse assez cynique que Didier Bense nous a faite) combien l'agriculture est hors jeu dans ce schéma : continuer à cultiver des champs à proximité d'une gare ne crée aucune plus-value marchande.

Plus généralement, l'activité agricole est une activité peu rentable en termes monétaires, pour toute une série de raisons qu'il serait trop long d'expliquer ici mais qui dépendent beaucoup des politiques agricoles mises en œuvre. Elle ne sera donc jamais en situation de pouvoir rivaliser avec les autres secteurs d'activité en termes de plus-value sonnante et trébuchante

Ces mesures de plus-value constituent une appréciation exclusivement monétaire de la richesse, appréciation qui ne tient pas compte de l’existence d’une richesse non-monétisée (non-marchande), comme par exemple de pouvoir bénéficier d’un environnement de qualité. Le service que l’agriculture, et, au-delà, l’espace naturel peuvent rendre à la collectivité est collectif, il s’agit d’effets induits, indirects ou décalés dans le temps (par exemple en termes de santé publique). Agriculture de proximité et espace naturel en milieu rurbain produisent une richesse que des écologues-géographes-économistes tentent de « valuer ». « Valuer » est une opération qui consiste à définir la valeur sans référence exclusive à la valeur monétaire. Par opposition, la valorisation des espaces près des gares résulte d’une surdétermination de la valeur économique dans une société marchande. Une surdétermination qui a fait de la terre un marché (ce qui n’a pas été toujours le cas) qui lui-même est marqué par des tendances spéculatives. Or cette valeur spéculative sur laquelle repose le financement du projet (par spéculation immobilière) est précisément ce qui met à mal les communautés locales qui se trouvent dépossédées de leur espace (que ce soit les habitants qui peineront à se loger ou les agriculteurs).

Et pourtant l'agriculture, quand elle est pratiquée de façon intelligente, crée de la valeur : entretien de l'espace, protection des sols, préservation de la biodiversité, création de paysage, cadre de vie et de loisir, fonction nourricière, autonomie alimentaire locale et mondiale, etc., toutes ces formes de création de richesse qu'on ne sait et qu'on ne saurait comptabiliser sous forme d'argent, et qui sont pourtant essentielles. Il n’est donc pas certain que ce soit utile de quantifier et monétiser cette valeur, car monétiser l’espace et les ressources rares (dont la disparition est irréversible comme la biodiversité ou l’agriculture vivrière) aboutira à la mise en œuvre d’arbitrages marchands.

Ces richesses non-monétaires et collectives finissent par être bien identifiées par le public car, au grand dam de Pierre Veltz qui a du se fendre d’une petite intervention, la défense d’une conception équilibrée du plateau de Saclay a occupé hier soir une très large part du débat, débat dont la plus-value a donc été importante. Mais les aménageurs sauront-ils comptabiliser cette plus-value alors qu’elle n’est pas chiffrable ? Nous sommes là arrivés à la question des biens communs, dont la mesure et l’organisation pourraient être un des grands chantiers du capitalisme post-financier…

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